Ecouter la chronique
Ou la lire !
J’ai lu ce récit à deux reprises. Une première fois pour le découvrir, une seconde fois pour être en mesure de rédiger une chronique qui soit à la hauteur de l’œuvre. Et vous savez quoi ? J’ai perçu chacune de ces lectures différemment.
Première lecture.
Je vois l’homme, son auteur. Un type droit dans ses bottes, rigoureux, respectueux de cette notion de devoir, indispensable chez un officier, Il se soumet à ce fameux devoir de réserve pour lequel il s'est engagé.
Mais la catastrophe humaine dont il va être témoin, le calvaire injuste qu’il va devoir endurer, vont ébranler ses certitudes. Il accepte cette raison d’État, ce principe au nom duquel un État s’autorise à violer le droit au nom d’un critère supérieur… Mais qu’en est-il des crimes d’État ? Comment se taire quand un État devient froidement complice du massacre de tout un peuple ?
Longtemps, il va garder le silence. Pas par lâcheté, pas pour y trouver un quelconque intérêt, social ou financier, mais par devoir, par droiture, par respect pour la parole donnée. Il comprend pourtant que bien malgré lui, il a été complice et même outil d’une infamie étatique à l’origine d’un désastre humain inqualifiable.
Puis un jour, longtemps après les faits, jugeant peut-être qu’il y a prescription, il va parler. C’est le courage de la démarche que j’ai vu dans cette première lecture. L’auteur prend le risque d’oser dénoncer ceux qui en aucun cas ne peuvent être dénoncés.
Petite parenthèse : Rappelez-vous de l’affaire du « Rainbow Warrior », les faux époux Turenge, rappelez-vous de leur véritable identité. Le commandant Alain Mafart et le capitaine Dominique Prieur, ont été inculpés, ont plaidé coupables d’homicide involontaire et ont été condamnés à 10 ans de prison. Pourtant c’était des militaires, ils obéissaient aux ordres. L’Élysée avait autorisé cette opération en accord avec le ministère de la Défense. L’amiral Lacoste, directeur de la DGSE à l’époque, avait obtempéré malgré ses réserves : s’il avait mis sa démission en jeu, il est possible que le projet eût été abandonné, ou à tout le moins modifié. Les époux Turenge ont choisi de ne pas dénnoncer. Je ne les juge pas. Ils n’ont pas fait leurs dix ans et ont fini officiers supérieurs.
Pourquoi j’ose cette comparaison ? Parce que les deux affaires, celle des Turenge et celle de Kroussar, se ressemblent, si des hauts placés de l’État français avaient protesté, le génocide cambodgien aurait peut-être été évité. Si Kroussar avait accepté de rester dans les rangs, de demeurer un complice silencieux, sa vie aurait été bien plus facile.
Voilà ce que l’auteur démontre dans son texte, voilà pourquoi, lorsque je me suis adressé à lui dans un retour de lecture, je lui ai dit : Respect Monsieur pour votre démarche.
Seconde lecture.
L’histoire d’amour me saute au visage. La puissance du « J’accuse » de la première lecture avait sans doute atténué la pourtant formidable et tragique histoire de ce couple. J’ai pensé à « Orphée » bien sûr et à cette descente aux enfers qu’il entreprend afin de retrouver l’amour de sa vie. J'ai pensé aussi à ce très beau film « Au-delà de nos rêves » l’histoire de cet homme, envoyé au paradis après sa mort, qui entreprend de délivrer son épouse, prisonnière de l’enfer.
Car sur le pays de la douceur de vivre, sur la gentillesse des Cambodgiens, sur ce royaume des merveilles, sur les temples anciens issus de la fascinante civilisation khmère, l’enfer s’est déchaîné, implacapable, orchestrant un véritable génocide. Kroussar va affronter cet enfer pour retrouver la femme qu’il aime, sa femme. C’est une magnifique histoire d’amourS. Amour pour un pay, Amour pour un peuple, Amour pour une femme. Mais c'est également un récit de volonté, de fidélité et de vraies camaraderies. Ses amis, les vrais, ceux de là-bas, ceux que la France a laissés tomber, jamais ne l’abandonneront. Ils iront jusqu’au bout de cette amitié si puissante qui unit les frères d’armes.
C’est enfin une fascinante histoire de résilience, une leçon de volonté à poursuivre sans relache un bonheur qui fuit sans cesse.
Je cite cette très belle phrase : « C’est ainsi dans la vie. Quand l’on croit que tout est fini, quand on s’y attend le moins, un nouveau chemin apparaît ».
Que de chemins vous avez empreinté, Kroussar !
Je ne spolierai pas la fin, bien entendu. Mais je dis vous une fois plus, même si ça paraît exagéré : Respect Monsieur et merci. Votre livre m’a ému et transporté dans un royaume que je ne connaissais pas. Pour le lire deux fois de suite, il fallait vraiment que j’y trouve un intérêt majeur.
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