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  • Photo du rédacteurJean Benjamin Jouteur

Etat limite — de Pascal Bezard


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Ou la lire

Salut les indés !


Voici, une fois n’est pas coutume, une chronique en forme de coup de gueule.

 

J’ai lu « État-limite » de Pascal bézard, et je me suis retrouvé dans un monde familier, un monde que je connais bien l’ayant côtoyé pendant pas mal d’années.

 

Le monde des gens qui ont mal à leur âme, qui ne vont pas bien du côté de la tête, qui sont fâchés avec eux même.

 

Pour donner dans le court, bienvenue dans le monde des « états limites », d’où le titre du bouquin. On dit aussi borderline.

 

Ce livre ne nous parle de personnes qui ne sont ni névrosés ni psychotiques. Les personnages oscillent plutôt entre schizophrénie pseudo-névrotique » et « psychonévrose grave ».

 

Un peu dur à définir, je sais, pour faire simple, ils ne vont pas bien du tout…

 

Alors, bien sûr, ils ont besoin d’aide… Et voici que rentre en jeu le monde des soignants… Que j’ai également fréquenté, de loin, même si j’étais l’un d’eux.   Un monde empli de gens qui se prennent pour Dieu le père, ou tout au moins, pour l’un de ses disciples… ils sont tellement persuadés de détenir la vérité…

 

Ils savent !

 

Que savent-ils ? Eh bien, au cours de leurs études, ils ont mémorisé toute une batterie de protocoles qu’aujourd’hui ils dispatchent auprès de leur patient sans vraiment prendre la peine de les adapter à chacun…

 

Vous êtes schizo… Tel traitement

Vous êtes parano… Tel traitement

Vous voulez en finir ? … Tel traitement !

Vous êtes dépressif ? Mais non, c’est un simple passage à vide… vous n’êtes que sensible, croyez-moi, je suis un professionnel, et vous n’êtes qu’un malade ignorant sont état.

 

Le gros problème des maladies mentales, ce sont les étiquettes qu’on leur donne… : Vous êtes ci, mais non, vous êtes ça… Dans le DSM, le guide des maladies mentales, 410 troubles sont répertoriés… Ce qui permet à certains soignants, lorsqu’ils se trouvent devant des cas qu’ils ne comprennent pas, d’affirmer…

 

Non, désolé, je ne trouve pas, donc votre maladie n’existe pas… veuillez changer de symptôme ou mieux les formuler.

 

Ou bien… Votre maladie tombe bien, j’ai justement une nouvelle molécule médicamenteuse à tester sur un nouveau trouble que nous venons juste d’inventer.

 

Ou enfin… Vous êtes… quoi ? Ah ? Désolé, aucun traitement n’est prévu pour ce type de troubles. Passez votre chemin… ou revenez nous voir lorsque vous aurez avalé trois boites complètes d’antidépresseur.

 

Oui parce que ces gens-là sont également grands pourvoyeurs de cachets en tous genres… De ces pilules du bonheur qui ne soignent pas, certes, mais qui possèdent le grand mérite d’abrutir ceux qui les consomment, de les rendre accros, ou éventuellement de les aider à dormir très, très longtemps, quand ils en consomment trop.

 

En France, il faut, soit essayer de mettre fin à ses jours, soit tenter de tuer son conjoint à coup de couteau pour que la psychiatrie s’intéresse à vos symptômes en les jugeant… Préoccupants. 

 

Donc internement… cachets, Surveillances, encore cachet, fouille au corps, milieu fermé, infirmiers balaises en guise de maton, toujours cachets… Puis un beau matin, un psychiatre de service, qui ne vous voit que le lundi de chaque semaine, car il est seul pour gérer des dizaines de tordus, estime que tel patient semble aller mieux… donc autorisation de sortie. Il faut bien récupérer des lits, les maladies mentales sont légion. Et il vaut mieux investir dans un nouvel hôtel des impôts plutôt que dans des hôpitaux pour dingos. Donc, les dérangés supposés guéris quittent le milieu hospitalier… et une fois lâchés dans la nature, ils reprennent leur vie d’avant… et rechutent pour la plupart sitôt libéré de leur camisole chimique.

 

Retour à la case départ…

 

Tout ça, Pascale Bezard nous le raconte d’une façon intime et personnalisée… il a placé sa plume dans le trou d’une lorgnette grossissante braquée sur une famille dysfonctionnelle du fait des maladies mentales qu’elles affrontent, en plus d’affronter un milieu médical et administratif censé l’aider, mais qui ne fait que l’égarer.

 

Au fait, définition du mot : censé : Être considéré comme devant être ou devant faire quelque chose ; être supposé…

 

Bezard possède une écriture bien à lui. Nerveuse, haché, aussi troublée que ses personnages… je dirais presque aussi borderline ou maladroite, essoufflée, parfois, imprécise… se cherchant… mais tout ça est volontaire… ça place le lecteur dans la situation de l’accompagnant… Celui qui lui aussi en prend plein la figure… mais qui, pour la plupart de temps, est oublié par les professionnels de santé… ou carrément repoussé et dédaigné parce que, intime du patient, il connait bien ses tourments…

 

On lui recommande de laisser faire les pros… d’aller jardiner son carré de salades plutôt que de jouer les psys.

 

Bon, je noircis sans doute la situation… Il y a de bons soignants, des personnes sachant intervenir en être humain, sachant parler aux gens en évitant par exemple de les considérer comme de simples sujets interchangeables… Des gens qui soignent l’âme avant d’abrutir les corps.

 

Lisez ce bouquin, il est, hélas, très fidèle à ce qu’il se passe dans nos institutions dont la mission est, parait-il, de venir en aide aux personnes souffrant de déséquilibres mentaux. On se plait à clamer que certains coins de France sont des déserts médicaux… je rajouterai que l’ensemble de la France est un désert en ce qui concerne le traitement des maladies mentales et l’accompagnement des patients ou de leurs proches.

 

Moi quand je dis ça… Pour une fois, je ne dis pas rien ! Et Bezard le dit aussi très bien.

 





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Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire (Victor Hugo)



 







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