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John Doe, c’est le nom d’emprunt de l’un des personnages principaux de ce bouquin. Un personnage glaçant, effrayant… un nuisible. Mais comment le cataloguer, le classer, comment dresser de lui un profil ?
Est-il un simplement monstre ? Une sorte d’humain étonnamment doué que quelque chose ou quelqu’un que l’on nommera « démon » a doté d’une pulsion naturelle à faire le mal ? Donc un dangereux prédateur qui, volontairement et en toute connaissance de cause, s’est mis au service de la destruction, du sadisme et de la cruauté. Bref, un maudit irrécupérable qu’il convient d’éradiquer.
Il existe une alternative possible.
Cet inquiétant John Doe pourrait-il être un malade souffrant d’une pathologie qui remettrait en cause la punition des coupables ?
Ceux qui font le mal, les « méchants », comme on dit, seraient-ils le résultat de leur histoire, de leurs conditions sociales, de leurs pulsions ? Plutôt que les punir, faudrait-il les guérir ?
Est-ce par un vice de constitution corporelle, ou par la maladresse de ceux qui l’ont élevé, qu’ils sont devenus des briseurs de vie ? En un mot comme en cent, l’homme qui fait le mal est-il lui aussi digne de pitié au même titre que celles et ceux qu’il a choisis pour proie ?
À mes yeux, ce bouquin, en filigrane, pose cette question. Sylvie Grignon, en donnant parole a John Doe, parvient à l’humaniser elle ne lui cherche pas des excuses, bien au contraire,´ mais elle nous décrit ses angoisses, ses peurs, ses fantasmes. Ce qui laisse entendre qu’il souffre, peut être, de troubles psychotraumatiques, qu’il traite en laissant derrière lui des victimes. Ce qui signifierait qu'en instrumentalisant des innocents qu’il prend pour cible, il se soigne. On pourrait appeler ça de l’automédication.
Ce qui n’empêche pas qu’il est conscient et que ses actions sont intentionnelles. Tout est construit avec une redoutable et froide préméditation.
Maius dans ce bouquin, il y a aussi les victimes de John Doe, quel que soit son statut, incarnation du mal ou dangereux psychopathe. Profondément humaines, profondément blessées toutes ces femmes différentes les unes des autres, sont animées par un espoir qu’elles partagent, celui de parvenir à ne plus survivre, pour enfin pouvoir revivre. Comme le chantait Pierre Perret dans sa magnifique chanson « lily » :
« Viens, ma petite sœur, en s’unissant, on a moins peur, des loups qui guettent le trappeur".
Elles vont sortir les griffes, se battre pour être reconnues et surtout pour que justice soit rendue.
Tout ça amène inévitablement une autre question. Notre société, que ce soit par sa justice ou par son système de santé, est-elle en mesure de gérer ces individus aux comportements si néfastes qu’ils soient coupables ou victimes de troubles psychiques ?
Prison à vie ? Hôpital psychiatrique ? Soins, traitement ? Comment éviter qu’ils fassent de nouvelles victimes ?
C’est une grande question de société que ce bouquin propose… Dans ses pages, ce sont les martyres qui finissent par s’unir afin de combattre ce fléau, preuve que la société n’a pas su écouter leur souffrance… Ou pire encore qu’elle l’a ignorée. Combien de femmes, victimes de violences physiques ou psychologiques, se sont tues à force de ne pas être entendues ?
Colère justifiée, souffrance, légitime violence, vengeance… Ces quatre thèmes font partie inhérente de ce livre… Ce qui ne fait pas de lui, à mon sens un thriller. Pour moi, c’est une série de journaux intimes, un roman tragique, narratif et dramatique.
C’est aussi, tout à la fois, un vibrant plaidoyer et un puissant réquisitoire.
Un des aspects puissants de l’ouvrage, sans spoiler quoi que ce soit, réside dans le fait que le dénouement ne semble pas proposé par l’auteure, il est comme imposé par les souffre-douleur du prédateur, plus précisément par un ou des personnages dont Sylvie Grignon aurait perdu le contrôle. Cette dernière, tout en clamant très fort et à juste raison qu’il faut protéger les victimes, a fait le choix, judicieux à mes yeux, de ne pas répondre à toutes ces questions que son ouvrage pose. À chaque lecteur de trouver sa réponse… D’ouvrir les yeux… Les siens, mais aussi et surtout ceux de toute une société.
Tortures et souffrances peuvent être voisines de palier… Il suffit, parfois, de regarder pour les voir et pour agir conséquence.
Moi, je dis ça, je dis rien, mais il était important que quelqu’un le dise et le répète.
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