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Photo du rédacteurJean Benjamin Jouteur

Les petits vieux dans l'arbre de Dominique Dejob

Une œuvre tout en pudeur, en tendresse et en vérités.


Entre reportage et intrigue.


Non pas deux histoires pour le prix d’une, mais deux propos différents qui, progressant tantôt l’un proche de l’autre, tantôt l’un après l’autre, finissent par s’unir par le biais d’une incontournable et prévisible fin, sans pour autant vraiment se rejoindre.


Je sais, cette introduction peut sembler clair-obscur, elle l’est, comme cet ouvrage.


Il y a tout d’abord ce témoignage, véritable caméra promenant un regard tendrement indiscret sur ces maisons pour personnes âgées que l’on nomme pudiquement EPHAD. Elle sait voir les choses, immortalise les peines, les petits riens qui font les grandes joies, les déchéances, les corps qui, cessant de lutter, se tassent et s’effacent. Mais la caméra est aussi équipée d’un micro possédant cette étonnante particularité de savoir surprendre l’intimité des gens, leurs paroles, mais aussi leurs pensées, leurs craintes, leurs peurs et le reste de modestes souhaits qu’ils caressent encore. Cet œil qui pour nous observe est affectueux, aimant, mais sans concession. Il sait être cruel dans la vérité qu’il reflète. Il nous ramène à cette phrase de Brel : « L’horloge qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, et puis qui nous attend ».


On le sait, cet épilogue si bien décrit par l'auteure, Dominique Dejob, nous attend tous. Voilà pourquoi il est dur parfois de s’y confronter, nous sommes tous concernés, on préfèrerait enfouir ça à plus tard. Mais voilà, quand nos vieux à nous, ceux que nous aimons, auront quitté ces lieux, ce sera notre tour de nous installer dans ces sacrés mouroirs. Ça fait mal de le prévoir, mais c’est inévitable. Encore du Brel : « Mourir, la belle affaire, mais vieillir, oh vieillir ! ».


Pas de méchants, pas de gentilles , les anciens que l’on couche à 17 h pour gagner du temps, font leur boulot d’anciens. Ils sont pénibles, craquants, émouvants, drôles et insupportables, dépendants ou fiers. Les « filles » en blanc, bleu ou rose, font leur boulot de soignantes blanches, bleues ou roses. Elles sont dévouées, professionnelles, pressées, énervées, débordées… Elles n’ont pas le temps.


Et puis, incrustée dans le reportage, il y a l’histoire, l’enquête légitime de cette jeune femme blessée, coincée dans son passé. Il y a cette situation inconcevable qu’elle a créée et dans laquelle elle se débat, prise dans son propre piège. Comment pourrait-on aimer une personne que l’on a toujours haïe ? Comment appliquer sa propre justice lorsque l’on a ni l’âme d’un juge et encore moins celle d’un bourreau ? Comment se venger d’un crime dont on ne sait rien ?


Empathie ou vengeance ? Les deux ? Est-ce possible ? Comment peut-on à ce point se dédoubler ?


Ce roman est une histoire d’amour, la plus belle de toutes car elle est impossible, pudique, inavouée et interdite. Parfois le passé harcelle le futur, le salissant, le rendant impropre à l’existence. Mais parfois, le présent peut guérir ce qui ne devrait plus être. Ce n’est pas chose aisée, il faut prendre le risque de le croiser une fois de plus, ce passé, non pas pour le combattre, non pas pour le juger, mais pour l’accepter, pour qu'il cicatrice enfin.


Ce bouquin pourrait se résumer par : « Victor, Louis, ces deux hommes que je n’ai pas eu le temps d’aimer. Ils sont partis bien trop tôt ».


Enfin, quel propos sert de prétexte à l’autre ? Le “reportage” ou l’intrigue ? Je pense qu’ils sont tous deux indissociables, complémentaires et nécessaires. Un duo inattendu qui fait de ce livre une œuvre tout en pudeur, en tendresse et en vérités.


Moi je dis ça, je ne dis rien !




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