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J’ai lu Rose de Sylvie Etient… Et en fait, tout n’est pas rose dans cet ouvrage… Et même si l’héroïne se nomme Rose, il n’a rien d’un roman… à l’eau de rose.
Les roses, hérissées d’épines comme tout le monde le sait, peuvent adopter différentes couleurs. Celle de l’histoire de Rose, avec un R majuscule, est panachée… Il y a du clair, il y a du sombre… Mais surtout, domine le vert… La teinte de l’espoir.
Quel espoir ? Celui d’un bouleversement, d’un renouveau, d’une autre vie, ni meilleure ni pire… Différente tout simplement. Surtout, une vie sans contrefaçon ni faux arguments.
J’ai aimé Rose, car son prénom rime avec ose et j’aime les gens qui osent.
Oser aimer différemment, oser être enfin soi, oser savoir dire non, oser être autre chose. Oser être une autre rose, une de celles qu’on ne cueille pas si facilement, oser croire au magicien d’Oz, oser tout larguer, pas pour fuir, non, plutôt pour refuser.
Mais aussi oser jeter au panier le déjà écrit, le déjà vécu, le « sous-contrôle » , le « bien rangé pépère » ou, en l’occurrence, la bien rangée mémère, oser se détacher du confort étriqué d’une existence établie, de la lassitude du journalier, de l’insupportable hiérarchie, de la prison du quotidien, du fatal, des abrutis de tout acabit et enfin de la complicité bidon des amitiés de proximité qui font de nous des êtres seuls.
Un peu avant l’automne de sa vie, avant d’être fanée, avant d’être vieillie, elle ose tout ça, Dame Rose…
Une avocate inscrite au barreau vaut-elle mieux qu’une caissière de la FNAC ? C’est la question que nous pose Rose.
Un grand nombre répondra un « oui, bien sûr » catégorique. Les plus persuadés n’hésiteront sans doute pas à argumenter :
« Comprenez, L’avocate est cultivée et pécuniairement solide alors que la caissière n’est qu’une fille simple rémunérée au prorata de son instruction limitée… Salaire minimum pour modeste employé interchangeable.
Certes ! Mais voilà, pour notre Rose, qui fut avocate, mais aussi caissière, la réponse s’avère tout autre. Elle tend même à prouver que le fait de porter une toge ne rend en rien supérieur au fait de se vêtir d’une modeste blouse portant le logo et le slogan d’une grande surface nourrissant le laborieux à bas prix.
Rose ose même, vous voyez, encore le verbe oser, prétendre que le contraire paraît tout à fait possible. Une caissière bien droite dans ses bottes en faux cuir est parfois bien plus fréquentable qu’une avocate au dos courbé, mal à l’aise dans ses pantoufles de vair, V.A.I.R car Disney avait tout faux. Le vair, V.A.I.R est une fourrure à base de petit-gris, une sorte d’écureuil. Et la repose la contradiction. En imaginant de telles chaussures, on a plus de mal à voir les animaux de la forêt aider Cendrillon à enfiler sa robe de grandes occasions
Bref ! ça dérange, ça ennuie les gens quand on ne vit pas comme eux, quand on agit différemment… On leur a appris que les marginaux sont forcément des fous, des déséquilibrés, des asociaux, des malades, des innocents ou des illettrés. Comme il est rassurant de se persuader que sa vie ne peut que ressembler à celle des autres.
Quand tous les moutons sont blancs, le mouton noir est plus facilement repérable.
Ce bouquin, sous ses aspects tranquilles et gentillets, est un hymne à oser… Une invitation à se dire :
« ça fait des années que ça trottait dans ma tête, j’arrête d’y songer, aujourd’hui, je le fais ? »
Et puis Sylvie Etient possède ce talent de nous faire entrer dans l’intimité de ses personnages. On ne lit pas leurs pensées… On fait plus que se contenter de les écouter, on les entend… Et c’est ça qui les rend si proches de nous et si émouvants de vérité. Des vérités qui sans doute d'ailleurs, ressemblent fort à celles de l’auteure.
Alors, oserez-vous écouter Rose ? Moi, je dis rien, mais je vous conseille quand même de tenter l’aventure de ceux qui ose.
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