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Arborescence de Sophie Ribaldinel

  • Photo du rédacteur: Jean Benjamin Jouteur
    Jean Benjamin Jouteur
  • il y a 2 jours
  • 3 min de lecture
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Lecteurs et lectrices, bonjour !


je ne chronique jamais un livre, je le fréquente, et j’ai donc fréquenté « Arborescence » de Sophie Ribaldinel.


Ce bouquin n’a rien d’explicatif, il fait ressentir.


En attaquant les premières pages, je comprends aussitôt que l’autrice n’a pas entrepris d’écrire un texte sur la bipolarité afin de l’analyser, de la définir ou pour la disséquer à grands coups de termes bien savants.


Sophie n’adopte pas non plus une posture d’experte, pas plus qu’elle ne se lance dans un grand discours pseudo-médical censé rassurer tout le monde…  Sans vraiment éclairer personne. Ce qu’elle propose, c’est une immersion. Un bout de chemin à hauteur d’humain, dans un foutu quotidien traversé par des états contradictoires, des élans, des chutes, des silences, et parfois des victoires silencieuses, celles qui ne font pas la une, mais qui permettent de tenir debout.


En tant que lecteur, et connaissant bien cette pathologie, je me suis surpris à ressentir très vite un sentiment troublant de familiarité. Certaines situations, certaines pensées, certaines réactions m’étaient… connues.


Trop, parfois.


Non pas parce qu’elles sont spectaculaires, mais précisément parce qu’elles sont banales. Parce qu’elles relèvent du journalier, de l’intime, de ce qui ne se raconte habituellement pas, ou alors à voix basse, quand on ose encore.


La bipolarité, ici, n’est jamais expliquée par la science. Elle est racontée par le vécu. Elle se dit à travers la fatigue qui s’installe sans prévenir, l’espoir fragile, les petites joies presque invisibles, la souffrance qui ne hurle pas toujours mais qui use. Collés bout à bout, ces fragments forment une vie. Une vie parfois difficile, oui, mais une vie tout de même. Une vie riche, dense, intense, tout autant que celles que l’on classe un peu trop vite dans la catégorie rassurante des vies « normales » catégorie dont je me demande, au fil des pages, si elle existe vraiment.


Lire Arborescence, c’est un peu comme marcher aux côtés de l’autrice. Elle avance comme elle peut, et l’on avance avec elle. C’est tout juste si elle ne nous prend pas la main, parfois en la serrant un peu trop fort, pour nous faire comprendre non seulement ce qu’elle vit, mais aussi ce que vivent tant d’autres personnes atteintes du même trouble. Et lorsqu’elle serre trop fort, ce n’est pas pour faire mal : c’est pour être sûre que l’on ne détournera pas le regard.


Car la bipolarité reste une maladie largement méconnue. Et plus encore incomprise. J’ai entendu, comme beaucoup, des phrases qui donnent envie de lever les yeux au ciel… ou de les fermer très fort :


« elle exagère », « il simule », « c’est du caractère », « un peu de volonté suffirait ».


Autant de mots dits parfois sans malveillance, mais toujours avec une légèreté qui frôle l’intolérance. Il faut l’avoir vue dans les yeux des gens pour comprendre cette maladie. Il faut avoir côtoyé celles et ceux qui la vivent pour saisir ce qu’elle est réellement : une réalité profonde, exigeante, et d’une sincérité que bien peu de discours savent approcher.


À ce titre, Arborescence se révèle infiniment plus juste, et plus honnête, que bien des ouvrages théoriques ou des plaquettes d’information que l’on feuillette distraitement dans les salles d’attente des services psychiatriques ou des CMP. Ici, personne ne prétend tout expliquer. Et c’est précisément ce qui rend le texte si éclairant.


Ce livre devrait être lu largement. Par celles et ceux qui vivent avec la maladie, pour se sentir moins seuls. Par les proches et les accompagnants, pour comprendre que le combat est quotidien, pour eux aussi, bien sûr, mais surtout pour les personnes atteintes, bien plus qu’on ne le croit. Et par tous les autres, simplement pour ouvrir les yeux… et peut-être fermer la bouche avant de juger.


Arborescence ne délivre aucune leçon. Il ne propose pas de solution miracle. Il offre quelque chose de plus rare : une présence, une parole sincère, et un regard humain posé là où trop souvent il n’y a que des étiquettes.


 

 
 
 

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