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Photo du rédacteurJean Benjamin Jouteur

Sao Maï de Jean Paul Baricault

Plus utile qu'un livre d'histoire

il y a surtout ce « pendant la guerre ».

             Ce bouquin me pousse à des comparaisons sans doute osées, mais justifiées. En effet, en le lisant comment ne pas penser à Scarlett O’Hara et à Rhett Butler ? À Youri Jivago, et Lara Antipova ? Des personnages certes magnifiques, mais avant tout des êtres humains jetés dans un maelstrom qui deviendra l’histoire d’un pays et contre lequel ils ne peuvent rien.


Il y aura toujours avant la guerre, il y aura toujours un après la guerre, mais il y a surtout ce « pendant la guerre ». Ces instants tragiques que « les autres », ceux d’ailleurs, ne découvrent que lorsque tout est fini.


Pour résister à la déferlante, les figurants de ce tragique péplum s’accrochent aux rares branches qui résistent encore. Ils rêvent de bonheur, bien sûr, mais tout ce à quoi ils ont droit se résume au simple espoir de poursuivre, tant bien que mal, leur existence si malmenée. Qu’importent les moyens, ils s’en contenteront parce qu’ils doivent survivre.


Survivre avant tout, c’est la seule force qui pousse parfois l’éclopé à encore se débattre.


C’est ainsi dans toutes les guerres, dans toutes les révolutions. Quelque soit l'issue de la guerre, ceux qui subissent l’Histoire avec un grand H, ne sont ni gagnants ni perdants, ils ne sont que des victimes que plus tard, beaucoup plus tard, bien trop tard, on plaindra sans doute. Quand tout sera terminé, quand beaucoup seront morts, quand l’histoire d’un pays aura été réécrite en lettres de sang.


Et puis, comme le précise très justement l’auteur, cette guerre dite d’Indochine est si particulière. Où sont les justes ? Dans quel camp servent les méchants ? Comment se positionner ?


D’un côté il y avait une armée d’occupation, squattant un pays qui n’était pas le sien, lui donnant le nom de colonie et méprisant bien souvent sa population.

De l’autre il y avait un régime, totalitaire et violent, ignorant le sens du mot « liberté. Un régime de tueurs sans pitié !


Alors pourquoi ce corps expéditionnaire composé de soldats sacrifiés se battait-il ? Pour protéger un peuple menacé par l’arrivée imminente d’une dictature maléfique ou pour servir les intérêts coloniaux d’une nation qui prétendait déjà à l’époque être celle des droits de l’homme ?


Lorsque l’on voit se débattre tous les protagonistes de ce livre, ces gens dont l’Histoire n’a que faire, on se demande ce qu’ils peuvent représenter dans cette débâcle programmée. La petite Sao Maï et son Tarik aimé, un soldat méprisé par ses frères d’armes qui n’aime pas faire la guerre ?


Jacques le militaire français perdu dans un conflit qu’il ne comprend pas… Celui qui nous fait comprendre que l’on peut se comporter comme un salop sans pourtant en être un.


Et aussi tous les autres. Vous voyez ? Moi aussi, j’ai déjà oublié leur nom.

L’Indochine française s’écroule devant nos yeux, et à l’instar de nos aînés qui ont vécu cette époque, on est impuissant. Le cyclone destructeur emporte avec lui toute une nation abandonnée, brisant des destins ou les arrachant de leur ancienne vie au forceps.


C’est une histoire très forte, humaine, sincère, qui transpire d’authenticité.


Quant aux élèves on explique les guerres, quand on leur dépeint des retombées économiques ou politiques, quand on les bombarde de chiffres, à ceux qui pondent les programmes je dis, vous vous trompez, je pense. C’est ce genre de témoignages, comme il en existe un grand nombre, que les gamins devraient lire, ces bouquins qui parlent simplement de l’humain emporté par la tourmente. Ce sont ces histoires qui nous concernent ?


Et le pire, c’est que l’Indochine n’a pas servi de leçon, très peu de temps la France recommencera son pitoyable numéro en Algérie.


Pour résumer, ce livre est-il une histoire d’amour avec la guerre pour toile de fond ou bien une histoire de guerre avec l’amour pour toile de fond ? En fait, ni l’une ni l’autre, il est les deux en même temps, car Histoire et histoire sont indissociables. C’est une des choses qui fait la force de ce bouquin, en plus d’une écriture et d’une construction sans faille. Pour résumer : j’ai aimé.





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