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Photo du rédacteurJean Benjamin Jouteur

Tirage gagnant de Jean Ducreux

Dernière mise à jour : 30 mars 2022

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Une enquête menée tout en humour par le moineau de Bellecour.


Sur la place Bellecour, en plein cœur de la capitale des gaules, j’ai croisé un moineau qui chuchetait à qui voulait bien l’entendre comment, à lui tout seul, il avait résolu l’épineuse affaire du « tirage gagnant ».


Je propose qu’a votre tour, vous découvriez non pas le pépiement du "passer domesticus", nom scientifique de ce petit passereau de la famille des Passeridae, mais un extrait de la narration que nous propose le plus espagnol des détectives privés lyonnais, j’ai nommé Ignacio Obispo Fidalgo y Gorrión, ce qui signifie, Évêque Noble-Moineau, d'ou son surnom de moineau.


« Marie-Caroline Obispo, mon adorée, ma moelle et mon essence, m’a redressé le col, puis la cravate m’a puissamment bécoté pendant que nos deux aînés préparaient des matefaims —


Le matefaim tue la faim s’il ne tue pas l’homme, c’est bien connu.


Les gones me regardaient déguster sans mot dire — comme à la grand-messe, dans ce qui pourrait s’interpréter comme une regrettable orgie de dévotion patriarcale —, tout le monde dégustait virtuellement avec moi, dans un bel élan collectif, une véritable communion à une seule bouche, personne ne songeait à soi. C’était un moment délicieux, presque sacré, alors je n’ai jamais osé dire que je n’avais plus faim et j’ai continué à manger, pour ne décevoir personne.


“Mon gentil loukoum, mon conjoint tout mellifère, mon beau sirupeux, surtout, ensuite, n’oublie pas ce que je t’ai demandé !” a ponctué la Schtroumpfette de ma vie, mon elfette, ma fée follette, tout en me faisant fondre un cachet d’Oxyboldine.


Mon estomac gargouillait, je me sentais encore ballonné. »


Pourquoi cet extrait, me direz-vous ? Tout simplement parce qu’en lisant ce bouquin, j’ai vraiment eu l’impression qu’Obispo le moineau me pépiait à l’oreille … Il était là, à mes côtés, me racontant avec humour et brillance sa dernière enquête.


Malgré moi, je lui prêtais la tronche de Guy Marchant lorsque pour la télé il interprétait le célèbre détective privé Nestor Burma imaginé par Léo Malet.


La proximité, c’est une des forces ce livre, on ne lit pas le narrateur, on l’écoute raconter… On ferme les yeux, l’imaginaire s’occupe du reste.


Je vais maintenant me risquer à une comparaison qui fera frémir ce si distingué et émérite auteur qu’est Jean Guy Ducreux. Père littéraire de notre moineau.


San Antonio ! Le commissaire de Frédéric Dard vous connaissez ?


Oui ! Et bien, pour moi, le détective Obispo, ou si vous préférez moineau de Bellecour, est à la finesse du langage, à l’humour raffiné, à la burlesque extravagance et au chic français ce que le commissaire de Frédéric Dard est à la plaisanterie gauloise, à la verdeur du langage, aux outrances grivoises et à la vulgarité.


Si certains ont attribué à Frédéric Dard le surnom de « Zola de la fellation », attribuons à Ducreux le titre de « Beethoven de la langue précieuse ».


Je persiste et signe, car, si on prend en compte cette importante dissemblance, tout y est !


La désinvolture du héros narrant lui-même ses aventures, le recours à l’humour, une langue truculente, colorée et inventive, une galerie de personnages secondaires picaresques, à la limite de la caricature et aux noms improbables (ce qui est une des spécialités de l’ami Ducreux), un festival de délires en tous genres, bref tout une batterie de procédés atténuant ce côté sinistre et rébarbatif dont se pare parfois le roman noir.


C’est bien fait, bien écrit et vraiment distrayant. On se marre tout en suivant une enquête fort bien pensée.


Et en prime, l’auteur nous promène dans Lyon, une ville qu’il connaît bien, qu’il aime et qu’il entend bien nous faire apprécier. On pourrait presque partir en pèlerinage dans la cité des gones à la recherche des lieux arpentés par les personnages de Ducreux. On finirait peut-être même par en apercevoir quelques uns.


Alors, pas de chichi, enfilez donc vos baskets et partez à la rencontre des canuts, vous y croiserez peut-être un petit oiseau posé sur l’épaule d’un auteur distingué en quête d’inspiration pour une prochaine enquête. Si tel est le cas, confiez-lui que vous aimez ses ouvrages, il adorera.












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