D’après Monsieur Larousse un symbiote (du grec « sumbiôtês » signifiant qui vit avec) est un organisme vivant en symbiose avec un autre d’une espèce différente.
Je vous donne un exemple peu banal.
Dame Dominique Dejob appartient à l’espèce des auteures talentueuses…
Lorsqu’elle a rédigé l’ouvrage « Un “quelque part entre deux gares” objet de cette chronique, elle a vécu en parfaite symbiose avec Violaine, Robin, Perrine et quelques autres qui, quant à eux, sont des personnages que l’on qualifie de romanesques.
En symbiote averti et très à l’écoute, Dominique s’est faufilée au plus profond de ces hommes et de ces femmes qu’elle a imaginés.
Dans quel but ?
Tout d’abord dans celui de surprendre intimement leurs pensées, leurs doutes, leurs craintes et leurs névroses. Mais aussi et surtout afin d’être capable de projeter à travers eux ses propres émotions, ses propres fantasmes, ses propres désirs, ses propres peurs…
Et bon sang, comme elle le fait bien !
Ce bouquin, c’est une chronique de l’instant… Un peu comme des fragments bouleversés d’une vie trop quotidienne qui part en vrille.
Ce bouquin, c’est l’histoire d’un joli papillon qui, en quête d’une liberté aussi désirée que redoutée, abandonne son cocon, désertant ainsi sa zone de confort, prenant consciemment le risque de se briser les ailes.
C’est fragile un papillon. C’est tellement éphémère.
Alice, notre “belle-dame” appelée aussi Vanesse des chardons, une espèce de papillon migrateur dont l’espérance de vie n’excède pas une vingtaine de jours, ignore totalement sur quelles fleurs odorantes ou sur quel bouquet de ronces hérissé d’épines elle va se poser. Elle ne prévoit pas, l’aventure, c’est l’aventure du moment, même pour une non-aventurière. Et Alice n’a rien d’une Xena la guerrière.
Courageusement, elle confie son vol erratique aux caprices du vent, aux fantaisies du hasard, au bon plaisir de la chance, aux excentricités du destin. Elle s’efforce pourtant, mais sans trop y croire, de présumer des lendemains possibles, d’admettre des rencontres d’un soir, de préjuger qu’il est possible d’oublier tout ce qui était.
Elle ne réinvente pas sa vie, elle se contente de l’improviser. Elle traine sa culpabilté. Même si ça la freine, même si ça l'empêche de pleinement respirer, elle poursuit sa route, cheminant de gare en gare. Des gares qui, comme elle, demeurent mais ne se rendent. Même si les villes défilent, Alice fait du surplace. Il ne suffit pas d'un train.
L’histoire d’Alice est belle, profonde et touchante. Elle nous chuchote à l’oreille : " Dis, tu n’as jamais eu envie de fuir, de disparaître, d’échafauder autre chose, d’abandonner ton journalier, ton fastidieux, ton’accoutumée ? De dire merde à ta vie ordonnée, de tout envoyer promener ?".
Ce soir, je prends le train, un billet pour une autre gare, chiche ?
Et tant pis pour les autres, tant pis pour ceux qui restent piégés sans comprendre et qui souffrent. Celui qui se libère, celui qui s’échappe, celui qui s’envole pour disparaître, ne doit penser qu’à lui. S’il superpose ses deux existences, l’ancienne et la nouvelle, c’est lui qui souffrira. Son évasion se transformera en chemin de croix, en défaite… Seule l’amnésie saura le détacher de ce qui a été. Seule l’amnésie permet de tout oublier. Seule l’amnésie permet de tout reprendre à zéro.
Dominique Dejob, dans ses mots, dans ses lignes, fait passer tout ça avec une pudeur, une humanité, et une sensibilité infinie. Le temps d’un roman, le symbiote devient personnage. Le temps d’un récit, Dominique se prénomme Alice, à moins qu’elle ne soit Violaine. Quand j’imagine l’une ou l’autre, c’est, malgré moi, son visage que je vois.
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